battlefieldChamp de Bataille

La vie est une bataille incessante entre les victoires d’aujourd’hui et les triomphes futurs, les rêves impossibles. Un âpre duel entre un passé désespéré qui refuse de se retirer et un matin invincible qui veut naître. Une campagne sans répit contre le pouvoir d’aujourd’hui, une sainte croisade du pouvoir du passé qui garde son emprise sur la marche du temps et maintient l’homme en esclavage. Un choc entre des privilèges établis depuis des ages et les droits inhérents de la Divinité émergeant dans l’humanité. Personne ne peut éviter la bataille, l’assaut direct ou l’infiltration furtive. C’est un conflit global, une guerre totale sur tous les fronts sans réserve. Il n’y a aucun civils, nurses, prêtres, femmes ou enfants, infirmes, vieux, objecteurs de conscience qui soient immunes de l’attaque et de la ruine .Les ennemis sont beaucoup trop nombreux à l’intérieur et tout autour. Puissants, rusés, sans scrupule, conscients de chacun de nos mouvements, ils sont dans nos propres rangs, aucun amant ou parent ne peut être digne de confiance. Nous abritons allégrement en nous les collabos compétents qui inconscients et avec gratitude servent le but diabolique de l’Ennemi. Nos propres envies, idéaux, fois et croyances, conventions et traditions sont les fidèles acolytes et piliers de la force de la Nuit qui essaie de fermer pour toujours la lueur opale d’un ciel limpide. Nos sentiments et passions, instincts et ambitions, amour et indifférence construits dans chaque cellule de notre corps sont des traîtres pour notre divinisation

Une morbide satisfaction dans une inertie monotone, un sens de repos dans la morosité et la saleté, le refus de combattre et la résignation aveugle à un destin injuste sont les traîtres sentinelles, achetés par l’Antagoniste. La nostalgie pour la petitesse et la faiblesse pour nos douces habitudes humaines sont les infatigables collaborateurs de la nuit.
C’est un combat en solitaire pour chaque soldat dont le moral est élevé. Un contre les nombreux adversaires Un remous inflexible contre l’océan, une lueur vacillante obstinée
contre l’assaut d’un ouragan sans pitié. Souvent les chances de succès semblent très éloignées comme la queue disparaissant d’une comète. Il n’y a pas de repos, la bataille se poursuit même dans le sommeil. Chaque seconde est une lutte – avancée et retraite, combat et recul, flux et reflux sur une mer de flammes. Chaque bosquet fleuri est un piège. La précaution ne sert à rien Les sentiers à travers la foret à chaque pas cache des trappes aux lances de fer acérées.
L’arsenal de l’Ennemi se trouve profondément scellé dans les caves subconscientes. Les armes qu’il emploie sont mortelles Il se sert de nectar pour éteindre le feu céleste, de la loyauté pour engendrer la perfidie, de l’amour pour démolir l’harmonie, du sens commun pour déraciner la foi, de la raison pour déloger la compassion du cœur et de la beauté pour annihiler l’âme non vigilante de l’homme
Sa ruse est si raffinée, si subtile qu’il nous fait combattre contre les nôtres. Il tue ses victimes avec une overdose de plaisirs, il aveugle la vision avec des aperçus étincelants de la vérité.
Dans des moments d’ennuis ou de dépression il est le conseiller doucereux qui marche à nos cotés nous persuadant de nous échapper par le suicide, plaidant pour les souffrances de l’humanité et versant des torrents de larmes pour son bien être.
O pèlerin comme il t’écarte de la route immortelle ! La route ascendante est jonchée des os de ceux qu’il a dupés. Habillé en archange, donnant des sermons sur la destinée spirituelle avec un rictus démoniaque il pousse le disciple sans discrimination vers le précipice.
L’Ennemi est patient, calculateur, rarement visible. Traître comme un rocher glissant dans le lit d’un ruisseau, il peut dépeindre notre infortune dans d’atroces images, il arrive à nous faire croire que nous sommes traqués par le Divin, pas les bienvenus dans la lumière divine si bien qu’à la fin à genoux nous implorons son aide pour notre libération.
Même dans les rêves il provoque le chercheur avec un poignard. Faisant apparaître la douceur sous une belle forme il écrase l’aspiration vers Dieu dans une étreinte amoureuse. Le voyageur imprudent, gonflé par la subtile flatterie de l’Ennemi abandonne l’escalade ardue et se prélasse dans le soleil de sa propre grandeur ou devient un cynique méprisant chez qui l’amour a été banni. L’adversaire murmure à ses oreilles quelques commérages et rumeurs ramassés dans la cours et incite l’aspirant amateur à se révolter contre le Maître. Il nourrit son amour propre offensé avec des provocation calculées et lentement persuade le chercheur que le Divin est un monstre mortel. Le stimulant avec un désir incontrôlable et une ambition spirituelle il le conduit avec l’habileté d’un cavalier vers l’asile d’aliéné.

Comment vas tu combattre la nuit sans corps, ce compagnon de tes jours ?
Affronte son évangile insidieux de souffrance et de damnation éternelle avec ta foi indomptable dans le Divin
Affronte sa propagande incessante sur la futilité de la vie humaine avec l’endurance de ton esprit immortel
Affronte la perversion et la cruauté avec le courage né de la vérité et du bien.
Défie sa sorcellerie et à sa magie blanche avec la sincérité d’un but qui ne vacille point, ses millions de déguisements ne le protègeront plus de la lumière sans voile.
Provoque le dans un tournoi dont l’aube est le prix avec la force calme du divin éternel et la vision qui voit la main de la Grâce dans la défaite et la mort .
Oppose son leurre de beauté, splendeur, renommée, honneur et plaisirs sans limite aux trésors impérissables de l’Esprit, un amour sans borne et la félicite de l’unité.
Lutte avec lui, empoigne le et efface le de l’existence avec la joie qui vient d’un abandon sans contrainte. Sois celui qui poursuit et non le poursuivi. Recherche l’ennemi, brûle le dans sa tanière. Chaque petite maîtrise, chaque pas en avant annonce la victoire finale.

La Mère est notre armure imprenable, la défense qu’aucun assaut ne peut ébranler.
La Mère est notre bras triomphant que personne n’ose affronter.

Et finalement nous trouverons que le grand Adversaire, le noir Ennemi est en fait notre camarade, notre compagnon de jeu déguisé. Il est belle Kali derrière un masque terrible, l’Amour cachant sa félicité derrière un fléau nous forçant d’avancer à travers des épreuves intolérables, fortifiant nos muscles et nos nerfs. Dieu prépare les âmes pour une paix sans fin, le pouvoir immobile qui soutien les soleils dans leur trajectoire ; Il nous transforme en un réceptacle d’amour et de sagesse, un canal d’extase transformatrice. La sinistre bataille est devenue une amicale joute, une rencontre agréable, une surprise humoristique, une épreuve de force grisante, une course acharnée pour prévenir la décomposition et la mort et atteindre le but, une expédition dangereuse dans les espaces inconnus avec Dieu comme Capitaine.

******

Niranjan Guha Roy – 1955