Douce Mère, Merci
Merci, mille fois merci du fond de mon cœur reconnaissant
Pour m’avoir délivré de la redoutable dernière prison.
Tous les murs sont tombés en miettes, broyés
Impossible à reconstruire à tout jamais.
L’âme éternelle sans masque ni voile, nue,
Pure comme une flamme, sans ancre nulle part,
N’appartenant à aucun pays, à aucune nation,
A aucune famille, à aucune civilisation,
Libre comme le vent sur l’Océan sans rivage,
Heureuse comme les dunes de sable brûlant dans le soleil,
Indifférente comme les sommets blancs loin du monde,
Recueillie comme une immense Cathédrale taillée en glace,
Pourtant se sent orpheline, sans père ni mère,
Sans famille, sans racine, sans pays ni foyer.
Ma vision traverse la zone reposante et rassurante de l’oubli
Où l’on vit dans une cellule enchantée,
Nourri d’une illusion permanente, la magie d’une famille.
Ton père, ta mère sont des pèlerins comme toi sur le Grand Chemin
Ainsi que tous les gens autour de toi, réunis sur la scène
Pour un instant comme des feuilles qui tourbillonnent
Rassemblées par un courant vagabond et insouciant,
Et puis chacun s’en va pris par le vent capricieux
Pour chanter, danser, souffrir, pleurer, jouer la comédie
Poignante, délirante qui dépasse tout entendement.
A chaque coin de la rue, au marché, au temple, au champ,
Dans le travail, l’émeute et la bataille, à la télévision,
Partout dans les pays connus, dans les hameaux perdus,
Je retrouve mes frères et sœurs, les femmes et les mères
Que j’ai aimés, mes proches, mes compagnons de route.
Selon le complot du drame, tantôt ils sont rangés
Les uns contre les autres dans des batailles sanglantes,
Tantôt on rit et plaisante dans une réunion émouvante,
Toutes les relations restreintes s’évaporent dans un délire,
Tout se mélange, il n’y a plus de barrières entre les âmes.
O mon âme, garde ton calme au milieu de l’ouragan bénéfique
Cette folie divine qui emporte les jalons meurtriers
De la séparation du mental diviseur
Qui fragmente le monde en morceaux tragiques.
Je ne suis plus un orphelin, j’ai trouvé ma vraie famille,
Le Divin éternel, infini, mon bien aimé, mon âme sœur.
Le visage d’un passant me plonge dans un Mystère écrasant
Le sourire d’un inconnu éveille en moi d’étranges souvenirs,
Le regard sans voile d’une âme me fait tressaillir de ravissement.
Om Douce Mère
Que je Te rencontre, T’adore,
T’aime et Te serve dans tous les êtres
Plus de frontières, de sanglots, de massacres, de gémissements,
Ton Amour guérisseur embrasse et bénit le monde en deuil.
Dans le champ arrosé de sang
Poussent des rosiers brillants immortels.
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Niranjan Guha Roy – 1993