Le Temps bondit en avant comme une flèche en vol
Incapable de s’arrêter, ne se retournant jamais, enterrant les morts de tous cotés

Ne se souciant pas des hordes de trainards paresseux et des âmes endormies
Qui ne veulent plus avancer, incapables de rester dans la course.

Les pommes mures aujourd’hui, pourrissent demain et doivent être jetées.
Ce qui est bon maintenant devient une entrave comme nous avançons.
Rien, personne ne peut revenir à la vie.
Chaque seconde apporte un changement salutaire.
Rien ne sera jamais le même!
Des visages familiers, animaux, oiseaux, poissons, vents, courants,
Bateaux et avions,voitures et camions, l’eau sous les ponts ont passé.
Le soleil, la lune, les planètes, galaxies et quasars sur leurs pistes
Ont changé leur position, leur relation mutuelle.
Musés, tombes, statues et monuments historiques
Prolongent la mémoire du rire, des larmes tristes ou heureuses,
Triomphes, luttes et dangers, espoirs et fortunes de l’humanité
Ralentissent la ruée impatiente du Temps.
Temps, le destructeur miséricordieux, Temps le Créateur prophétique
N’est peut être qu’un metteur en scène de cinéma!
L’histoire se déroule, le passé et le futur s’évanouissent se fondent
Pour un fugitif moment dans le présent sur l’écran changeant de l’éternité.
Le futur émerge du vide plein, à moitié anticipé,
Danse dans la lumière des projecteurs sur la scène du présent
Puis plonge et disparaît à jamais dans le non manifesté.

O Esprit du Temps, Je ne serais pas trompé par  ton jeu mystérieux.
Il n’y a pas d’arrivée, pas de départ, pas de lever ni de coucher du soleil
Le Temps a cessé de tourner, plus rien ne bouge.
Le Pouvoir est immobile, calme félicité, le Soi sans mouvement.
Kali rêve en extase sur les genoux de Mahakala en transe.

Le proche se dissout dans le lointain et au dehors dans un brouillard distant
Se précipite pour rencontrer le présent, comme un faible point de lumière
Qui grandit à chaque instant en une merveilleuse colonie d’étoiles.
Le rat  court dans le long tunnel du temps fou
Et par mille subtile mutations émerge comme l’homme penseur.
L’homme aussi court  toujours, incapable de se reposer, aiguillonné par le temps
Chaque pas en avant l’amène à une destinée au delà de l’atteinte du mental.
L’image d’argile éphémère de l’homme
Cache la félicité d’une Divinité de beauté immortelle
Qui attend son heure tel un magnifique papillon dans la misérable chenille.

Le mouvement incessant repose sur la flamme immobile de la Volonté de Dieu
A chaque seconde, quelque chose de vrai, d’inespéré est né.
Le vieux est parti pour toujours
Les acteurs jeunes et ardents attendent en coulisse
Que les vétérans fatigués, essoufflés quittent la scène avec grâce.
Mais personne ne reste absent trop longtemps de ce drame fascinant
Juste assez longtemps pour changer de costume
Et revenir dans le jeu qui ne s’arrête jamais

En vérité rien n’est bien loin de la mais
Tout est marqué avec OM.
Un point sans espace ni temps,
Une goutte d’amour contient toute la création.
Un regard embrasse tout ce qui était, tout ce qui est et tout ce qui sera

A travers d’infinies variations,
Le Brahman reste toujours le même océan de félicité.
Derrière le millions de masques et de déguisements,
Chaque courbe, chaque ligne
Rappellent la même Présence mystique, irrésistible

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Niranjan Guha Roy 1995