La Marche éternelle
Assis devant l’écran géant, je contemple le flot vivant de figures et d’êtres incarnés qui marchent vers le néant, chacun avec son panier plein d’espoirs, de souvenirs joyeux, éphémères, de larmes, rires, amitiés, déchirements et d’étreintes de courtes durées.
La scène traverse lentement l’écran géant.
Au fur et à mesure que ceux qui mènent la parade disparaissent dans l’oubli pour toujours, de nouveaux figurants jusqu’alors inaperçus apparaissent.
Ils viennent, les visages rayonnants, les corps pleins d’énergie, les vêtements colorés.
Chacun porte un sac bourré d’espoir, de projets, d’aventures, de découvertes à accomplir, de montagnes à escalader, d’océans à traverser, de mystères à percer, de murs à franchir.
Ils s’avancent mus par un élan céleste, tantôt joyeux, tantôt déçus, ils avancent toujours.
La foule cette fois ci est moins courbée, plus droite, plus vive.
Elle avance vers le bord de l’écran géant et peu à peu est absorbée par le Néant.
Une courte pause avant de renaître.
La scène se répète indéfiniment. Mais toujours, toujours la foule devient plus lumineuse, rajeunie. Les échecs moins nombreux, l’ombre éparse, la lumière plus douce, accueillante, nourrissante.
Ainsi marche toujours Dieu vivant dans les corps incalculables vers un destin de plus en plus ravissant.
Tous les regrets, les échecs et les désespoirs, les cœurs brisés, les chutes et le passage meurtrier, s’oublient, s’effacent dans un vaste éblouissement qui remplit l’écran géant où on ne voit que des yeux étincelants et des sourires extatiques, des formes ondulantes d’une beauté inconcevable, presque intolérable, d’un ravissement insoutenable.
Le Divin, le Mystère s’avance toujours.
La beauté d’aujourd’hui est déjà fanée, appartient au passé, à l’oubli.
Le Divin, le Seigneur s’avance toujours, dépasse à chaque instant nos rêves les plus audacieux, les plus fantastiques.
Les voyageurs sur la route éternelle sans fin de Dieu deviennent de plus en plus conscients de la Présence Divine dans leur âme, de plus en plus intimes et unis, libres de l’ego. Ils oublient peu à peu leur existence séparée, marchent, chantent et dansent comme un seul Être immense, unique, aux mille bras, jambes, corps, têtes et torses.
Un océan sans borne de félicité lumineuse.
Plus de brèche entre Toi et moi.
Tout est Divin… Tout est Toi… Il n’y a que Toi, Seigneur.
Tous se fondent dans une vaste symphonie d’amour sans corps, un hymne de gratitude sur le sein accueillant de la Mère Infinie.
O Seigneur, donne nous la force, la volonté de Te suivre un peu dans Ta marche accélérée, ininterrompue à la découverte de l’Inconnu.
Niranjan Guha Roy